Quelles sont les tailles d’effet petites, moyennes et grandes pour les traitements par l’exercice de la tendinopathie ? Revus systématique et méta-analyse

Jun 29 / MÉDIAMPHI

Introduction

La tendinopathie est une pathologie musculosquelettique courante qui comprend des changements dégénératifs tendineux associés à une douleur, une altération du mouvement ainsi qu’une réduction de la fonction. Elle est souvent signalée dans les tendons d’Achille, patellaire, latéral du coude, de la hanche et de la coiffe des rotateurs et elle nécessite généralement de longues périodes de récupération. Dans la population générale, la prévalence de la tendinopathie est de 11.8 à 10.5 pour 1000 personnes / an pour les membres inférieurs et de 1,3% à 21% pour les membres supérieurs. Les coûts pour l’individu, le système de santé et l’économie sont importants et l’identification d’interventions efficaces doit être une priorité.

Le traitement par exercice, qui comprend surtout un entrainement de la force et du travail excentrique, est le pilier de la prise en charge conservatrice. L’objectif est d’améliorer la tolérance à la charge et de permettre l’adaptation structurelle de l’unité myotendineuse afin de restaurer la fonction. Une thérapie par l’exercice efficace peut cibler certains facteurs tels que la diminution de la mobilité, la faiblesse musculaire, mais aussi les adaptations corticospinales et neuromusculaires qui sont engendrées dans le cadre de douleur chronique. 
Avis du pôle scientifique Médiamphi
Pastille verte
Cette revue systématique avec méta-analyse est un article à faible risque de biais, tous les critères méthodologiques majeurs sont respectés permettant de limiter et contrôler au mieux les biais dans leur étude.
Malgré les différents exercices et traitements proposés, le temps de rééducation est long, la récupération est parfois incomplète et il peut y avoir des différences entre les tendinopathies sur l’amélioration des symptômes. Par exemple, la qualité de vie a tendance à s’améliorer plus lentement pour une tendinopathie de la coiffe des rotateurs que pour une tendinopathie d’Achille, mais la récupération d’une amplitude complète et l’amélioration de la douleur peut ne pas suivre le même rythme et s’améliorer plus rapidement. La quantification de l’avancée des symptômes et des améliorations attendues pour chaque tendinopathie pourrait aider à développer un consensus sur la prise en charge optimale en permettant une meilleure comparaison des interventions.

Étant donné l’éventail des tendinopathies et des domaines de résultats couramment étudiés, il est possible que la distribution et l’interprétation des effets de la thérapie soient diverses et puissent bénéficier de la génération de points de références spécifiques au contexte. L’objectif de cette méta-analyse est donc de réaliser une large synthèse des recherches disponibles sur les tendinopathies en créant des seuils empiriques afin d’évaluer l’efficacité des thérapies par l’exercice et d’explorer les différences potentielles entre les tendinopathies et leurs domaines de résultats. L’analyse portera aussi sur la durée de l’évaluation des résultats, la supervision de la thérapie et la durée des symptômes chez les patients.

Méthode

Cette méta-analyse fait partie d’un projet fondé par le National Institut for Health Research sur le traitement des tendinopathies par l’exercice. Les personnes ayant déjà participé à un traitement de la tendinopathie par exercice ont été impliquées dans toutes les étapes de cette revue. Elles ont été recrutées via le réseau national de santé publique (NHS ; National Health Service) et les réseaux sociaux. Une personne ayant reçu un traitement par exercice pour une tendinopathie d’Achille et une autre pour une tendinopathie de la coiffe des rotateurs (RCRSP ; Rotator Cuff Related Shoulder Pain) ont contribué au format de l’étude en influençant les questions de cette revue. Un atelier avec les différents acteurs de cette revue a aussi été fait afin d’informer tous les participants sur l’orientation générale de l’étude ; 4 femmes dont une athlète de haut niveau ont été incluses. La participation du public n’a pas été aussi grande que prévue, ce qui peut s’expliquer par la période (pendant le confinement lié au COVID-19) ainsi que le format entièrement en ligne. 

 Critères d’inclusion

Cette méta-analyse a inclus des personnes de tout âge et sexe, ayant reçu un diagnostic de RCRSP, de tendinopathie latérale du coude, d’Achille, patellaire ou du moyen fessier, peu importe la sévérité de l’atteinte et sa durée. Les études analysées devaient présenter un diagnostic clair de la tendinopathie, posé suite à des tests cliniques fiables, comprenant la localisation de la douleur, la reproduction des symptômes lors de l’application d’une charge ou d’un étirement, des tests pour éliminer un diagnostic différentiel ainsi qu’une confirmation par échographie ou IRM d’un changement de structure du tendon.

Les interventions étaient toutes des thérapies par exercice et ont été classées dans 5 catégories ; force, plyométrie, vibration, souplesse et proprioception. Les interventions associant à l’exercice d’autres traitements tels que les ondes de choc, les injections ou la thérapie manuelle ont été exclues. Les traitements supervisés et non-supervisés ont été inclus tant que le programme d’exercice avait au préalable été établit par un professionnel de santé. Les études devaient rapporter suffisamment d’informations sur les modalités des exercices pratiqués, notamment sur la durée du traitement et la charge des exercices (volume, fréquence et intensité).

Les articles inclus devaient rapporter des résultats sur 6 des symptômes de la tendinopathie : l’incapacité, la capacité fonctionnelle physique, la fonction tendineuse, la douleur, la qualité de vie et l’amplitude articulaire (seulement pour l’épaule). Les essais contrôlés randomisés (RCT ; Randomised controlled trials) mais aussi les études non-RCT ont été inclus tant qu’ils comprenaient une thérapie par l’exercice pouvant être classée en fonction des paramètres précédemment décrits.

 Stratégie de recherche en trois étapes

Premièrement, une recherche limitée a été faite sur MEDLINE et CINAHL afin de développer la stratégie complète de recherche. Dans un second temps une revue complète a été réalisée sur MEDLINE, CINAHL, AMED, EMBase, SPORTDiscus, Cochrane Library, JBI Evidence Synthesis, PEDRo, Epistemonikos et Google Scholar. Enfin, la troisième étape a consisté à effectuer une recherche des articles cités à l’aide de Scopus et d’un travail manuel, pour un total de 130 revues systématiques identifiées comme contenant des informations relatives à la tendinopathie et la thérapie par exercice.
Les recherches ont été lancées à partir de 1998 car c’est à cette date qu’Alfredson et al ont publié un protocole de travail excentrique du mollet pour la prise en charge de la tendinopathie d’Achille, et ce travail est considéré comme fondateur dans le domaine de la tendinopathie. La date limite de recherche a été fixée au 18 Janvier 2021.
Une fois les doublons enlevés, deux membres de l’équipe de recherche ont examiné les titres et résumé des articles, puis ils ont analysé les textes dans leur intégralité. Les conflits ont été résolus par la discussion ou en faisant appel à un troisième examinateur. Le risque de biais a été calculé en utilisant l’outil Cochrane sur 6 variables : biais de sélection, de participation, de détection, d’attribution, de rapport et autres risques de biais.

 Analyse statistique

Les méta-analyses cherchent à décrire l’ampleur d’un effet sur une population sur la base d’une distribution normale, avec la moyenne représentant la valeur la plus probable dans l’ensemble des études et l’écart-type représentant la dispersion à laquelle on peut s’attendre dans les études isolées. Toutefois, se concentrer sur une seule valeur centrale ne donne qu’une description limitée de la distribution globale, il faut y rajouter les estimations du quantile 0,25 (valeur à laquelle 25% des résultats observés devraient être inférieurs), quantile 0,5 et quantile 0,75 afin d’obtenir une description plus détaillée. Le calcul de ces quantiles est obtenu lors d’analyses utilisant l’inférence bayésienne. Étant donné que l’objectif de cette méta-analyse est de décrire la distribution globale des tailles d’effet et d’explorer les différences entre les facteurs potentiellement pertinents (par exemple la localisation de la tendinopathie et les mesures de résultats), la méthode bayésienne a été choisie. Enfin, des estimations précises des effets peuvent être obtenues en incluant tous les résultats pertinents (et non une seule mesure) des études tout en tenant compte des covariances des différents résultats obtenus par une même étude. C’est pour cette raison que la présente méta-analyse a été réalisée à plusieurs niveaux.

Résultats

La stratégie de recherche initiale a identifié un total de 9246 articles sur les tendinopathies. Après élimination des doublons et application des critères d’exclusion, 114 études ont été retenues (100 essais contrôlés randomisé et 14 études quasi-expérimentales) pour un total de 171 traitements et 4104 participants. Les études quasi-expérimentales présentaient des risques de biais plus élevés que les essais contrôlés randomisés, et les résultats des études portant sur les tendons fessiers n’ont pas été inclus dans la méta-analyse en raison du nombre de tailles d’effet inférieur au seuil préalablement fixé (ce seuil permet d’obtenir des estimations précises de la distribution de la taille de l’effet dans une population). Enfin, sur les 1454 mesures initialement extraites, 38 valeurs aberrantes ont été supprimées à cause de tailles d’effet inférieures à -0,82 ou supérieures à 7,0. 

Les analyses des distributions des tailles d’effet dans les différents domaines de résultats montrent une séparation nette entre les domaines de qualité de vie, d’amplitude articulaire et de capacité physique fonctionnelle par rapport aux mesures subjectives de la fonction, l’incapacité et la douleur. Les valeurs seuils les plus faibles ont été observées pour la qualité de vie (QoL), la capacité physique fonctionnelle (PFC) et l’amplitude articulaire (ROM).
Des preuves d’un effet modérateur ont été identifiées sur la durée depuis l’évaluation (court < 12 semaines / moyen entre 13 et 52 semaines / long > 52 semaines), les résultats montrant une hiérarchie et une estimation d’effet moyen plus importante avec l’augmentation du temps écoulé depuis la première évaluation. Ces estimations sont restées cohérentes après que les méta-régressions aient été contrôlées sur la localisation de la tendinopathie ainsi que le domaine de résultat. Des preuves d’un effet modérateur ont également été obtenues sur la supervision de l’exercice, avec une estimation moyenne plus élevée pour les thérapies d’exercices supervisées. Cette estimation a de nouveau augmenté après contrôle par rapport à la localisation de la tendinopathie et le domaine de résultat. Enfin, des estimations moyennes plus élevées ont été observées chez des patients rapportant une durée des symptômes plus courte, mais les différences entre les durées de symptômes étaient proches de zéro après contrôle sur la localisation de la tendinopathie et les domaines de résultat. 

Discussion

Les méta-analyses ont identifié des différences dans la distribution des tailles d’effet à travers les domaines de résultats. Les valeurs les plus élevées ont majoritairement été obtenues sur les résultats subjectifs rapportés par les patients, notamment l’incapacité et la douleur, alors que des valeurs considérablement plus faibles ont été observées sur la qualité de vie et sur les valeurs objectives telles que la condition physique et l’amplitude articulaire. Des chevauchements dans les distributions de l’ampleur d’effet ont été identifiés à travers les différentes localisations de tendinopathie, ce qui indique que des améliorations substantielles similaires peuvent être obtenues avec des traitements par l’exercice. Les analyses modératrices ont fourni des preuves d’une amélioration accrue des résultats à mesure que le temps s’écoule depuis l’évaluation de base, ainsi que lorsque les exercices sont supervisés (en comparaison à des thérapies non supervisées). Certaines preuves ont été obtenues en faveur d’une amélioration plus importante chez les patients rapportant des symptômes depuis moins longtemps, mais les différences n’ont pas été maintenues après avoir contrôlé le domaine de résultat et la localisation de la tendinopathie.

Dans les 114 études incluses dans l’analyse, les thérapies étaient principalement axées sur les exercices de résistance avec 70% des résultats observés dans les groupes où il s’agissait du traitement principal. La tendinopathie a été définie cliniquement comme une douleur persistante ainsi qu’une perte de fonction lié à une charge mécanique sur un tendon dégénératif. Par conséquent, l’exercice en résistance, qui se concentre sur la restauration de la capacité de charge, est un pilier de la rééducation notamment pour les tendinopathies des membres inférieurs. Dans les études incluses, l’entrainement en souplesse et la proprioception ont souvent été combinés avec les exercices de renforcement, cependant ils étaient rarement les exercices dominants sauf dans certaines études sur la RCRSP.

Étant donné l’accent mis sur les exercices de résistance et le désir de modifier les propriétés mécaniques du tendon, la durée moyenne des thérapies présentes dans les études peut être une limitation importante. Bien qu’un rapport clair sur la durée des traitements n’était présent que dans 49% des études, la durée moyenne des thérapies était de 8 semaines et plus de 90% des études présentaient des durées inférieures ou égales à 12 semaines. La cicatrisation du tendon est connue pour être un processus long et complexe, avec des remaniements apparaissant entre 1 et 2 mois et s’étendant parfois sur 1 an, ce qui laisse penser que la durée des exercices devrait être longue, d’au moins 12 semaines selon les dernières recommandations. Les patients devraient aussi recevoir une éducation sur les exercices à continuer chez eux afin d’étendre la durée du traitement car cette étude a montré des résultats plus importants chez les patients recevant les traitements les plus longs.

Il existe actuellement un large éventail de mesures de résultats pour la tendinopathie, avec peu de consensus sur leur utilisation bien que des recherches soient en cours afin d’identifier des mesures spécifiques pour chaque tendinopathie. Le consensus international a rapporté 9 mesures, dont 8 étant des données subjectives rapportées par le patient. Seule la capacité physique fonctionnelle peut être évaluée cliniquement par des tests tels que la force au dynamomètre, le nombre de sauts / squats etc. Les résultats de cette étude montrent que lorsque les mesures sont basées sur les ressentis et auto-évaluations par le patient, des améliorations encore plus importantes devraient être observées après un traitement par exercice.

Les ampleurs d’effets les plus faibles ont été trouvées sur la qualité de vie, avec plus de 25% des résultats indiquant la présence d’une faible qualité de vie après des thérapies par exercice. Cependant, il est possible que les outils ayant servis à analyser cette mesure ne soient pas assez spécifiques des symptômes de la tendinopathie. Celle-ci peut être aigue mais elle est généralement liée à une surcharge chronique entrainant un processus dégénératif, et il se peut que les patients développent des stratégies de compensation à travers le temps. C’est pour cette raison que même s’il n’existe pas de mesure de qualité de vie spécifique au tendon, le bien-être général des patients doit être investigué. De futures recherches sont nécessaires afin de mieux comprendre l’impact de la tendinopathie sur la qualité de vie et de développer des outils de mesure adaptés.

Les résultats de cette méta-analyse montrent que les thérapies par l’exercice utilisées dans le traitement des RCRSP, des tendinopathies d’Achille, patellaire, glutéale et du coude entrainent des réponses similaires avec des améliorations significatives, et cela peu importe le tendon atteint, ce qui contraste avec les résultats de précédentes études. Une des limitations de cette étude est le regroupement d’un nombre important de données recueillies sur différentes mesures ; avec un nombre de données élevé, une nouvelle analyse plus précise aurait dû être faite afin d’investiguer des différences potentielles entre les tendinopathies les plus représentées et celles qui font l’objet de très peu de recherches.

Bien que des études antérieures n’aient pas montré de différences de résultats sur la coiffe des rotateurs entre des exercices supervisés et non-supervisés, cette analyse a observé qu’une thérapie supervisée était plus efficace sur l’amélioration des symptômes dans tous les domaines de mesures et pour toutes les localisations de tendinopathies.

Conclusion

Cette large méta-analyse montre que des améliorations chez les patients atteints de tendinopathie peuvent être attendues suite à une thérapie par exercice. L’amplitude de ces changements ne semble pas corrélée à la localisation de la tendinopathie mais elle est largement influencée par le domaine de résultat, avec des améliorations significativement plus importantes sur les mesures subjectives auto-rapportées par le patient (incapacité, fonction, douleur). Les cliniciens et chercheurs devraient être conscients de ces facteurs et ils pourraient utiliser ces informations spécifiques au contexte de la tendinopathie comme un guide dans la prise en charge des patients et dans l’évaluation des résultats de leur traitement.

Référence article

Swinton PA, Shim JSC, Pavlova AV, Moss R, Maclean C, Brandie D, Mitchell L, Greig L, Parkinson E, Tzortziou Brown V, Morrissey D, Alexander L, Cooper K. What are small, medium and large effect sizes for exercise treatments of tendinopathy? A systematic review and meta-analysis. BMJ Open Sport Exerc Med. 2023 Feb 27;9(1):e001389. doi: 10.1136/bmjsem-2022-001389. PMID: 36865768; PMCID: PMC9972446.