Effets des symptômes liés au sommeil sur la récupération d’une commotion cérébrale liée au sport

Jul 13 / MÉDIAMPHI

Introduction

On estime que 1,1 à 1,9 millions de commotions cérébrales se produisent chaque année dans un contexte sportif chez des enfants de moins de 18 ans aux États-Unis, et que la moitié d’entre elles ne sont pas signalées. Il a été démontré qu’une blessure sur 10 dans le sport au lycée est une commotion. Il existe de nombreuses séquelles connues d’une commotion cérébrale, notamment des maux de tête, des symptômes vestibulaires, des troubles de l’humeur, du sommeil, de la concentration ou encore une photophobie et une phonophobie. Alors que la récupération standard chez les adolescents a été définie comme inférieure à 4 semaines, de nombreuses publications montrent que certains athlètes sont encore symptomatiques une fois ce délai passé. Une étude récente a montré que 73% des sportifs sont encore symptomatiques après 4 semaines. Plusieurs facteurs de risques ont été associés à la persistance des symptômes après une commotion cérébrale ; des antécédents de commotions, de migraines ou de maux de tête, le sexe féminin, un âge plus jeune ou encore des troubles mentaux
Avis du pôle scientifique Médiamphi
Pastille orange
Cette étude de cohorte est un article à risque de biais modéré. En effet, en début d’étude, les auteurs n’ont pas décrit les caractéristiques socio-démographiques et médicales des 4 groupes obtenus via le score de SCAT5 (pas de problème de sommeil, problèmes légers, problèmes modérés et problèmes sévères) ne permettant pas de vérifier si tous les groupes sont comparables. De plus, les auteurs ne fournissent aucun élément sur les raisons des perdus de vue ou autres critères d’exclusion empêchant de vérifier la représentativité de chaque groupe. Par conséquent, les résultats de cette étude sont à prendre avec précaution et les hypothèses nécessitent d’être confirmées avec des études à faible risque de biais.
Comme ces facteurs sont prédéterminés, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour identifier des facteurs de risques modifiables afin d’aider les praticiens à promouvoir une bonne guérison.

Les troubles du sommeil post-commotion sont fréquents et souvent négligés lors de l’évaluation clinique initiale. Une précédente étude a révélé que jusqu’à 70% des athlètes ayant subi une commotion ont signalé des troubles du sommeil à court et moyen terme, notamment des difficultés à s’endormir, de l’agitation, de l’hypersomnie, des insomnies, des réveils nocturnes et de la fatigue. Ces troubles sont les derniers symptômes à disparaitre et peuvent persister jusqu’à 6 ans après une commotion cérébrale. Les troubles du sommeil ont un effet délétère sur la récupération et la qualité de vie et peuvent entrainer de nombreuses perturbations sur les fonctions physiques, neurocognitives et comportementales des athlètes.

De nombreuses méthodes ont été utilisées pour dépister les troubles du sommeil après commotion cérébrale. Certaines n’étaient pas standardisées et comprenaient des questionnaires alors que d’autres ont utilisé des méthodes plus standardisées comme l’indice de qualité du sommeil de Pittsburgh, l’échelle de somnolence d’Epworth, l’indice de gravité de l’insomnie ou encore l’échelle des symptômes post-commotion (PCSS). Malgré cela, le nombre d’articles sur le sujet est encore limité et Ludwig et al ont recommandé la mise en place d’une évaluation standardisée et valide dans les futures recherches.

La liste de contrôle des symptômes du Sport Concussion Assessment Tool 5 (SCAT5) est l’un des outils standardisés les plus étudiés pour l’évaluation des commotions cérébrales par les médecins et autres cliniciens. Le SCAT5 comprend une évaluation subjective des difficultés à s’endormir, de la somnolence et de la fatigue. Des données antérieures ont montré que cet outil était efficace pour le suivi de la récupération et que le regroupement des symptômes en cluster (tels que « symptômes liés au sommeil ») est bénéfique pour mieux comprendre les commotions. Cependant, à ce jour, aucune étude n’a évalué la valeur pronostique des symptômes liés au sommeil sur l’échelle SCAT5. Le but de cette étude sera donc de déterminer l’association entre les symptômes liés au sommeil du SCAT5 et le risque de persistance des symptômes après commotion cérébrale chez des adolescents.

Méthode

L’étude est une cohorte rétrospective menée sur 519 athlètes vus dans le centre de médecine sportive de Crozer Health (Springfield, Pennsylvanie, États-Unis) entre janvier 2016 et janvier 2019. Les données obtenues ont été extraites des dossiers des patients. Le diagnostic de commotion cérébrale a été posé par 3 médecins experts dans ce domaine et devait suivre la définition établie lors de la 5ème conférence internationale sur les commotions cérébrales : lésion cérébrale traumatique induite par des forces biomécaniques, causée par un coup direct à la tête, au visage et au cou ou ailleurs sur le corps avec une force impulsive transmise à la tête, entrainant un ensemble de symptômes et de signes cliniques. Pour poser le diagnostic, les médecins ont utilisé les 22 symptômes du SCAT5 en plus des antécédents de l’athlète et des examens physiques, qui comprenaient une évaluation cognitive, neurologique, musculosquelettique, vestibulaire et oculaire. Les participants ont été exclus s’ils étaient perdus de vue ou s’ils présentaient les pathologies suivantes : hémorragie intracrânienne, troubles psychiatriques, migraine, troubles de l’apprentissage, consommation ou antécédent de consommation abusive d’alcool, cannabis ou opioïdes.

Chaque participant a rempli le SCAT5 à sa première visite au cabinet et les médecins ont réalisé l’anamnèse et l’examen physique lors de la première visite et lors des visites hebdomadaires ultérieures. La guérison a été définie comme l’intervalle de temps entre la date de la blessure et la date à laquelle le médecin a autorisé le retour au jeu (RTP). Les athlètes devaient répondre aux critères suivants pour commencer leur RTP : absence de symptômes, résultats normaux à l’examen physique, retour à l’école en journée complète sans restriction académique et résultats neurocognitifs revenus à leur valeur de base (s’ils étaient disponibles).

La persistance des symptômes a été définie comme une guérison supérieure ou égale à 28 jours (délai de guérison standard). Les éléments du SCAT5 relatifs au sommeil ont été classés de 0 à 6 avec 0 étant le score pour une absence de symptôme et 6 un symptôme très marqué. Un score de sommeil a été calculé en additionnant les scores des items du SCAT5. Lors de l’analyse statistique, les éléments du SCAT5 relatifs au sommeil ainsi que le score global du cluster de tests ont été mis en association avec le nombre de jours de récupération nécessaires.

Résultats

Au total, 519 athlètes (288 hommes et 231 femmes) âgés de 13 à 18 ans ont été inclus. Les athlètes se sont présentés au cabinet médical en moyenne 5,4 ± 4,1 jours après leur commotion cérébrale, et le nombre total moyen de visites était de 5,8 ± 3,7 par participant. 362 athlètes ont eu une récupération standard dans une moyenne de 12,6 ± 7 jours et 157 ont eu des symptômes persistants avec un délai moyen de récupération de 65 ± 67,8 jours. En général, les athlètes avec une récupération standard étaient des hommes, plus âgés et qui s’étaient présentés plus tôt lors de la visite initiale.

Les athlètes ayant signalé des difficultés d’endormissement légères, modérées ou sévères lors de la visite initiale étaient respectivement 3.0, 4.6 et 6.7 fois plus à risque d’avoir des symptômes persistants que ceux n’ayant pas rapporté de difficultés. Ceux ayant initialement déclaré une fatigue (ou un manque d’énergie) légère, modérée ou sévère étaient respectivement 2.6, 4.8 et 7.6 fois plus susceptibles d’avoir des symptômes persistants. Enfin, les athlètes ayant initialement signalé une somnolence légère, modérée ou sévère étaient respectivement 1.9, 4.6 et 6.8 fois plus à risque de symptômes persistants que ceux n’en ayant pas déclaré.

En analysant les effets des symptômes liés au sommeil sur le nombre de jours de récupération et en les comparant avec les participants n’ayant pas déclaré de symptômes, les athlètes avec des difficultés d’endormissement légères, modérées ou sévères mettaient en moyenne 10.9, 21.9 et 34.5 jours de plus à récupérer. Ceux ayant rapporté une fatigue légère, modérée ou sévère mettaient respectivement 10.3, 11.4 et 35.1 jours de plus pour la récupération. Enfin, les athlètes avec une somnolence légère, modérée ou sévère avaient des délais de récupération plus longs de 10.2, 16.5 et 25.7 jours.

Enfin, pour chaque augmentation d’un point sur le score des symptômes du SCAT5 (fatigue, difficulté d’endormissement et somnolence), il y avait un risque 1,5 fois plus élevé de symptômes persistants et entre 4,8 et 6,2 jours supplémentaires nécessaires pour la récupération. Pour chaque augmentation d’un point sur le score global des symptômes, le risque de persistance des symptômes était multiplié par 1,2, et 2,4 jours de plus pour une récupération complète.

Discussion

Cette étude a montré que les athlètes ayant rapporté des symptômes liés au sommeil sur le SCAT5 lors de leur visite médicale initiale présentaient un risque accru de symptômes persistants après une commotion cérébrale. La gravité des symptômes était proportionnellement corrélée à la durée de récupération. La corrélation entre les troubles du sommeil et les symptômes persistants est probablement multifactorielle et liée à des processus physiopathologiques complexes. Des études antérieures ont montré une augmentation des cytokines pro-inflammatoires et une altération des niveaux de neurotransmetteurs dans l’hypothalamus, le mésencéphale et le cerveau antérieur basal chez des sujets après une commotion cérébrale, ce qui peut entrainer une fragmentation du sommeil et une diminution de son efficacité.

Les résultats sont cohérents avec ceux de la littérature actuelle qui montrent que le sommeil est étroitement lié à la récupération après une commotion cérébrale. Selon plusieurs recherches, les athlètes ayant une mauvaise qualité de sommeil mettent 2 fois plus de temps à récupérer que les autres, le risque d’insomnie est multiplié par 3 après une commotion cérébrale (en comparaison avec une population saine) et les athlètes présentant déjà des insomnies ou une somnolence diurne sont plus à risque de commotion. En revanche, à l’heure actuelle, nous ne savons pas si les perturbations du sommeil sont liées aux changements physiologiques qui font suite à la commotion cérébrale ou si ce sont les perturbations du sommeil qui entretiennent les symptômes de la commotion.

De nombreuses études ont utilisé le PCSS comme échelle de mesure et ont observé qu’une faible qualité de sommeil était corrélée à une augmentation des symptômes neuropsychologiques et cognitifs et que les athlètes déclarant des changements dans leur temps de sommeil présentaient un plus grand nombre de symptômes pendant la récupération et avaient des scores PCSS plus faibles que les autres. Bien que le PCSS comprenne une évaluation complète du sommeil, cette étude a choisi d’utiliser le SCAT5 car lors du dernier Consensus International des Commotions dans le Sport cette échelle a été reconnue comme « l’instrument le mieux établit et le plus rigoureusement développé disponible pour le suivi des symptômes ».

Des recherches antérieures ont montré qu’il existe des sous-types distincts de commotion dans lesquels les déficiences et les symptômes spécifiques se regroupent ; symptômes liés au sommeil, à l’état physique, à l’état cognitif, à l’état affectif et les maux de tête. Une étude de Guty et Arnett a montré que les symptômes liés au sommeil étaient en corrélation avec des troubles de la mémoire chez des adolescents après une commotion cérébrale. Paniccia et al ont constaté que la récupération autonome était corrélée au degré des symptômes déclarés par les athlètes sur toutes les catégories (fatigue, physiques, émotionnels, cognitifs …) et une revue systématique a montré que le groupe de symptômes sommeil-émotion était associé à une récupération plus lente, à une qualité de sommeil inférieure, à des déficits d’équilibre et à des scores de sévérité des symptômes plus élevés.

Conclusion

Les résultats de cette étude indiquent que le score des symptômes liés au sommeil sur le SCAT5 lors de la première visite médicale prédit des symptômes persistants suite à une commotion cérébrale chez des adolescents de 13 à 18ans. Les cliniciens devraient envisager d’utiliser cet outil de dépistage pour identifier les athlètes qui risquent de souffrir d’une récupération plus longue. 

Référence de l'article

DuPrey KM, Char AS, Loose SR, Suffredini MV, Walpole K, Cronholm PF. Effect of Sleep-Related Symptoms on Recovery From a Sport-Related Concussion. Orthopaedic Journal of Sports Medicine. 2022;10(7). doi:10.1177/23259671221105256