Étiologie et facteurs de risque de la maladie d’Osgood-Schlatter : une revue systématique

MÉDIAMPHI - ⏱️ 8 min

Introduction

La maladie d’Osgood-Schlatter (OSD : Osgood-Schlatter Disease) est une pathologie de croissance en lien avec le sport. Elle se caractérise par une douleur et des altérations morphologiques de la tubérosité tibiale antérieure (TTA). Elle est la résultante d’une surcharge aigue ou chronique lors de l’activité sportive, causant une inflammation du tendon patellaire à son insertion sur la TTA. Les signes cliniques sont une douleur insidieuse sur la face antérieure du genou, d’apparition non traumatique, exacerbée à la palpation, et qui s’accompagne d’une proéminence osseuse sur la TTA. La douleur apparait pendant et après l’activité sportive et peut s’accompagner d’un gonflement local. La prévalence de la OSD est de 9,8%, elle est bilatérale dans 20 à 30% des cas et elle est plus fréquente chez les garçons que chez les filles avec un ratio 3:1. L’âge de survenue de la pathologie est compris entre 10 et 15 ans chez les garçons et 8 et 13 ans chez les filles.
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Cette revue systématique est un article à risque de biais modérés. En effet, l’analyse critique des articles sélectionnés dans la revue n’a pas été menée. Par conséquent, les résultats de la revue peuvent être sur ou sous-estimés et ne pas reflétés la réalité.
Les sports fréquemment associés à cette pathologie sont le football, la gymnastique, le volleyball, le basketball et l’athlétisme. Bien que de nombreux facteurs de risque soient associés à cette pathologie, son étiologie n’est pas encore complètement comprise, et même si elle est particulièrement invalidante, les symptômes s’améliorent seuls à la fin de la croissance. Le traitement est habituellement conservateur mais des options chirurgicales peuvent être envisagées en cas d’échec du traitement. De nombreuses autres pathologies telles que le syndrome d’Hoffa, le syndrome de Sinding-Larsen-Johansson, les fractures de stress tibiales, la chondromalacie patellaire, l’ostéomyélite proximale du tibia, l’avulsion du tendon patellaire ou encore les tumeurs osseuses devront être écartées lors du diagnostic de la OSD.

De nombreuses études ont essayé d’étudier l’étiologie de cette maladie depuis plusieurs années mais le mécanisme d’apparition n’est pas encore complètement compris. L’objectif de cette étude sera donc d’investiguer la littérature actuelle afin de fournir une mise à jour des preuves concernant l’étiologie de la maladie d’Osgood-Schlatter ainsi que ses facteurs de risque.

Méthode

Cette revue systématique a été menée en suivant les recommandations PRISMA (Preferred Reporting Items for Systematic Review and Meta-Analyses). Deux bases de données (PubMed et Web of Science) ont été investiguées par un seul auteur le 16 Décembre 2021. La question de recherche était « Osgood-Schlatter » + « pathologie OU embryologie OU étiologie OU étiopathogénie OU génétique OU physiopathologie OU facteurs de risque OU facteurs associés OU facteurs prédisposants ». Au total, 201 articles publiés dans les 25 dernières années (1996 – 2001) ont été trouvés. Tous les articles qui n’étaient pas écrit en anglais, qui n’avaient pas d’extraits accessibles ou qui avaient une faible méthodologie scientifique ont été exclus. Le reste de articles a été inclus dans cette revue de littérature et aucun dupliqua n'a été trouvé.

Résultats

Après analyse, seulement 16 articles ont été retenus car ils remplissaient les critères d’inclusion. Ces études ont rapporté différents facteurs en association avec la OSD :

 Facteurs musculaires 

Ces facteurs semblent avoir un rôle important dans l’étiopathogénie de la maladie. Récemment, Enomoto et al ont démontré qu’une raideur plus importante du droit fémoral semble en lien avec l’apparition de la OSD. De plus, trois autres études ont rapporté une association entre OSD et raideur du droit fémoral.

 Altération du tendon patellaire 

Enomoto et al ont étudié par élastographie les propriétés élastiques de l’unité myotendineuse chez des enfants atteints de OSD et les ont comparés à celles d’enfants sains. Le ratio de tension (SR : Strain Ratio) a été utilisé comme indicateur de l’élasticité des tissus ; le SR du tendon patellaire significativement plus faible dans le groupe OSD que dans le groupe contrôle mais le SR musculaire ne présentait pas de différence entre les deux groupes. Les résultats suggèrent donc qu’un tendon moins élastique est associé à un plus grand risque de développement de la OSD.
Visuri et al ont aussi analysé, cette fois par IRM, les propriétés du tendon patellaire en comparant des sujets sains et des sujets atteints de OSD. Ils ont trouvé que les patients avec OSD avaient une patella et un tendon patellaire plus allongé, probablement à cause d’une tension mécanique chronique de l’appareil extenseur sur le genou pendant la croissance.

 Facteurs mécaniques

Seyfettinoglu et al se sont demandés si l’altération de l’alignement fémoropatellaire jouait un rôle plus important que les microtraumatismes répétés dans l’apparition de la OSD. Ils ont pour cela comparé un groupe de sujets atteint d’OSD et un groupe sans antécédents d’OSD mais avec des blessures traumatiques des genoux. De nombreux critères morphologiques (tels que les indices Insall-Salvati, Caton-Deschamps et Blackburne-Peel, les angles de congruence ou encore la typologie patellaire selon la classification de Grelsamer) ont été mesurés par radiographie. Les différences entre les deux groupes n’étant pas significatives, il semblerait que l’augmentation de l’activité physique joue un rôle plus important dans l’apparition de la OSD que les variations anatomiques fémoropatellaires.
Gaulrapp et al, dans une étude basée sur 126 patients, ont conclu que la OSD affecte principalement les adolescents garçons jouant au football et au basketball et que cette pathologie est une réponse structurelle à la répétition d’un stress biomécanique. L’impact des traumatismes répétés dans l’étiopathogénie de cette maladie a déjà été relevé par plusieurs études.

 Altérations de l’anatomie tibiale 

Gigante et al ont analysé 21 patients atteints d’OSD et ont trouvé qu’une augmentation de la torsion tibiale externe pouvait jouer un rôle dans l’apparition de la OSD particulièrement chez les athlètes. Une autre étude de Green et al a récemment confirmé que la maladie d’Osgood-Schlatter était corrélée à une augmentation de la pente tibiale postérieure. Les altérations de l’anatomie tibiale semblent donc être liées à l’étiopathogénie de cette pathologie

 Altérations histologiques 

Une étude de Falciglia et al a trouvé que la composition fibrocartilagineuse de la tubérosité tibiale antérieure était altérée chez les patients atteints d’OSD et pouvait être à la base du déclenchement de cette pathologie. 

 Autres facteurs 

Guler et al ont mis en avant dans leur étude que les troubles de l’attention et de l’hyperactivité étaient des facteurs de risques de la OSD. En effet, ces troubles sont des facteurs de risque de traumatismes répétés, qui sont eux-mêmes des facteurs de risque de développer la OSD. Enfin, Sarcevic et al ont trouvé qu’une diminution de la flexion dorsale de cheville était associée à une augmentation de la flexion de genou, de la version tibiale et de la pronation du pied pendant la phase d’appui de la course ; ces mécanismes entrainent une augmentation du stress sur l’insertion du droit fémoral sur le tibia et pourraient donc augmenter le risque de développer une OSD. 

Discussion

L’étiologie de la maladie d’Osgood-Schlatter est encore largement débattue et de nombreuses contributions possibles ont été rapportées par différents auteurs.

Gigante et al dans leur étude ont utilisé des scanners pour confirmer le diagnostic d’OSD, ce qui n’est pas forcément nécessaire dans le cadre de cette pathologie. Leurs conclusions sont que l’augmentation de la rotation externe du tibia augmente les forces de cisaillement et le stress sur la tubérosité tibiale antérieure, notamment pendant l’extension de genou, ce qui peut prédisposer au développement de la OSD chez les jeunes athlètes masculins.

Une étude menée par Demirag et al en 2004 a montré que l’attache du tendon patellaire était plus proximale et plus large sur la TTA chez les jeunes atteints d’OSD. Ces résultats ont été trouvés par IRM en comparant un groupe OSD et un groupe contrôle. L’étude menée par Visuri et al a de son côté mis en évidence en allongement significatif des corps patellaires ainsi qu’une augmentation de la taille du tendon patellaire chez les sujets avec OSD.

Concernant les corps musculaires, l’étude d’Enomoto et al sur l’élastographie par onde de cisaillement a permis de corréler la OSD avec la raideur du droit fémoral dans des conditions d’étirements. En 2020 ces mêmes auteurs avaient étudié le SR du tendon patellaire et du droit fémoral et avaient mis en évidence que l’élasticité du tendon patellaire était plus faible chez les sujets avec OSD que chez les sujets contrôles, mais qu’il n’y avait pas de différence significative entre les deux groupes concernant le SR musculaire. Enfin, une étude de Nakase et al en 2015 a mis en évidence que la raideur et la force du quadriceps ainsi que la raideur des ischio-jambiers lors d’une extension active de genou étaient des facteurs de risques de l’OSD. Les auteurs ont rapporté que les assouplissements du quadriceps pourraient être un moyen de prévention primaire de cette pathologie. Dans une autre étude portant sur 200 genoux chez 100 footballeurs entre 10 et 15 ans, ces mêmes auteurs ont rapporté que des changements dans la raideur du quadriceps ainsi que dans sa performance pouvaient être impliqués dans la maturation osseuse de l’extrémité distale du tendon patellaire. Ces résultats sont en accord avec ceux d’une étude transversale brésilienne dans laquelle les auteurs ont trouvé que le raccourcissement du droit fémoral et la pratique régulière d’un sport pendant l’adolescence sont les deux facteurs de risque principaux associés à la OSD.

L’étude de Gaulrapp et al portant sur 126 patients a trouvé que seulement 10 d’entre eux ne pratiquaient pas de sport et que la OSD touchait préférentiellement les adolescents masculins pratiquant activement un sport, notamment le football et le basketball, et qu’elle était une réponse structurelle à un stress biomécanique répété et à une surcharge articulaire. Les auteurs ont montré que l’âge d’apparition, le taux de croissance, l’indice de masse corporelle et le déséquilibre musculaire n’étaient pas corrélés à la OSD mais qu’un historique de traumatisme pouvait l’être.

L’explication des résultats de l’étude de Green et al sur l’association entre OSD et augmentation de la pente tibiale postérieure n’est pas encore complètement comprise. Il semblerait que la contrainte venant de l’appareil extenseur charge d’avantage la partie antérieure que postérieure du tibia, ce qui entrainerait une asymétrie de croissance et une augmentation de la pente tibiale.

Une étude de cohorte faite par Watanabe et al en 2018 a montré que les facteurs pathogéniques associés à la OSD comprenaient le poids, la taille, l’indice de masse corporelle, la raideur bilatérale des quadriceps, des gastrocnémiens et des soléaires ainsi que la distance entre la malléole latérale de la jambe d’appui et la projection du centre de gravité pendant la frappe en football.

Certains auteurs ont rapporté des altérations du fibrocartilage du centre d’ossification de la TTA qui semble altéré avant l’action des forces de tension. Falciglia et al ont fait une étude histologique sur 13 sujets avec OSD avant leur opération. Ils ont hypothétisé que l’aspect du fibrocartilage était le résultat de la faiblesse du tissu suite à des modifications physiopathologiques au cours de la puberté.

D’autres études se sont focalisées sur la relation entre la mobilité en flexion dorsale de la cheville et la OSD. Sarcevic et al ont trouvé un grand nombre de patients atteints de OSD qui présentaient des déficits de dorsiflexion de cheville (moins de 10°). Les auteurs ont expliqué que des mécanismes compensatoires pourraient augmenter le stress mécanique à l’insertion du quadriceps sur la TTA ce qui serait un facteur prédisposant à la pathologie.

Conclusion

De nombreuses théories sur l’étiologie, les facteurs de risque et les facteurs associés à la maladie d’Osgood-Schlatter ont été rapportés dans la littérature. Les théories les plus crédibles semblent focalisées sur les variations anatomiques fémoropatellaires, l’alignement mécanique de l’appareil extenseur et la surutilisation de l’articulation. Cependant, d’autres études sont nécessaires pour comprendre la genèse complexe et multifactorielle de cette pathologie dans l’optique de réduire les facteurs de risque et de mettre en place une prévention pour cette pathologie. 

Référence article

Lucenti L, Sapienza M, Caldaci A, Cristo C, Testa G, Pavone V. The Etiology and Risk Factors of Osgood-Schlatter Disease: A Systematic Review. Children (Basel). 2022 Jun 2;9(6):826. doi: 10.3390/children9060826. PMID: 35740763; PMCID: PMC9222097.