Activité physique pendant la grossesse : une revue systématique pour l’évaluation des preuves actuelles et des recommandations futures

MÉDIAMPHI - ⏱️ 7 min

Introduction

L’activité physique (PA) est définie comme « un mouvement corporel produit par les muscles squelettiques qui entraîne une dépense d’énergie ». Elle est considérée comme essentielle pour une grossesse en bonne santé, pour limiter la prise de poids gestationnelle et le risque de troubles mentaux maternels après l’accouchement ainsi que pour améliorer la santé de l’enfant. Pour étudier les effets de l’activité physique sur la forme de la mère et de l’enfant, cette étude différenciera les termes « exercice » et « condition physique », bien que ces concepts soient souvent interchangés. L’exercice sera défini comme « une sous-catégorie de l’activité physique qui est planifiée, structurée et répétée et a pour objectif de développer ou de maintenir la condition physique ». Cette dernière est donc définie comme « un ensemble de qualités en relation avec la santé et la compétence ».
Avis du Pôle Scientifique Médiamphi
Pastille verte
Cette revue systématique est un article à faible risque de biais, tous les critères méthodologiques majeurs sont respectés permettant de limiter et contrôler au mieux les biais dans leur étude.
Les femmes enceintes présentent un manque de connaissance sur l’activité physique pendant leur grossesse, qui peut être en lien avec les origines, le contexte culturel et socio-économique et l’éducation maternelle. Peu de femmes enceintes se voient prescrire des exercices pendant leur grossesse et de précédentes recherches ont montré que cela pourrait être dû à l’absence de professionnels de santé qualifiés dans l’activité physique.

Mottola et al ont, en 2018, fournit un premier guide sur l’activité physique à l’attention des femmes enceintes et des professionnels de santé. Les femmes ayant reçu ces recommandations ont rapporté une pratique régulière d’exercices physiques pendant leur grossesse. Du point de vue des auteurs, une approche intégrative avec des exercices adaptés serait bénéfique aux femmes enceintes et faciliterait leur adhésion à la pratique d’une activité physique.

Cette étude présente différents objectifs. Premièrement, elle analysera les dernières recherches basées sur la science qui encouragent l’activité physique pendant la grossesse. Les dernières recommandations à l’attention des femmes enceintes et des professionnels de santé seront listées et une revue systématique des différentes modalités d’exercices sera faite dans l’objectif d’informer les professionnels de santé. Deuxièmement, cette étude élaborera les caractéristiques des exercices et déterminera les modalités d’application de ceux-ci dans le but de promouvoir l’activité physique pendant la grossesse. Pour terminer, l’identification des problématiques actuelles sur le sujet sera faite afin de guider les recherches futures.

Méthode

Pour cette revue systématique, les recommandations PRISMA ont été suivies.
La question de recherche était la suivante : « Comment les exercices améliorent-ils la santé des femmes enceintes actives et de leur enfant ? ». Les articles inclus devaient être des essais contrôlés randomisés publiés entre juin 2017 et juin 2022 afin d’obtenir les réponses les plus actuelles et fiables possibles sur le sujet. Au final, et après avoir appliqué les critères d’exclusion, 20 articles ont été retenus pour cette revue systématique. Les critères d’inclusion et d’exclusions sont résumés dans le tableau qui suit.
La qualité des études a été évaluée par le système GRADE (Grading of Recommendations, Assessment, Development and Evaluation) qui permet de classer les études en qualité haute, modérée, faible ou très faible. Les données ont été extraites des études et analysées par deux chercheurs et les désaccords ont été résolus par consensus. Ces données concernaient les caractéristiques des études telles que la taille des échantillons, les exercices, les résultats principaux et les conclusions. Enfin, les résultats ont été synthétisés en modalité d’activité physique, intensité et durée de l’activité physique et efficacité de l’intervention. 

Résultats

La taille des échantillons variait de 20 à 1023 participantes et toutes les études incluses dans cette revue comprenaient un groupe intervention et un groupe contrôle. Les interventions étaient les suivantes : exercice aérobie modéré, balnéothérapie, exercices variés d’intensité modérée, programme de conditionnement physique, cyclisme, exercices nerveux et tendineux ou encore session individuelle ou de groupe avec un entraineur personnel.
Sur 18 études analysées par le système GRADE, 3 ont été évaluée de qualité modérée, 8 de qualité faible et 7 de qualité très faible. Les études qualifiées de très faibles l’ont été à cause de certaines limitations (ex : échantillon trop petit, manque d’analyse de haute qualité …), de trop grande déviation dans les interventions ou encore à cause des risques de biais.

Sur les 20 essais contrôlés randomisés, 11 (55%) ont rapporté des effets positifs de l’activité physique sur la santé de la mère et/ou de l’enfant. Les autres n’ont pas montré de différences significatives entre les groupes ou n’ont pas rapporté les résultats. Dans les études rapportant des résultats positifs, les exercices ont été classés en 4 modalités différentes : renforcement, étirements, équilibre et aérobie. L’exercice aérobie, dans lequel la marche et le tapis de course sont les plus souvent conseillés, est celui qui a été le plus étudié pour ses effets positifs sur la grossesse. Le renforcement ainsi que l’association entre exercice aérobie et renforcement sont les deux autres modalités les plus étudiées. Cette forme hybride plus complète d’activité physique comprenait des exercices aérobiques modérés avec un échauffement progressif, du renforcement musculaire doux, du travail d’équilibre, des étirements et de la relaxation.

Certaines des études restantes se sont concentrées sur des modalités plus précises d’exercice, notamment les étirements. Il est conseillé pour les femmes enceintes de pratiquer des exercices de glissement des tendons et des nerfs.
Concernant le diabète gestationnel, les résultats montrent que l’activité physique permet de limiter la prise de poids. Les auteurs suggèrent qu’il faudrait mettre l’accent sur une approche globale, comprenant une alimentation équilibrée, une limitation de la sédentarité, une activité physique modérée et du renforcement musculaire. Plusieurs études ont montré que la pratique d’une activité physique régulière s’accompagnait d’une amélioration de la qualité de l’alimentation de la femme enceinte.

Fontana Carvalho et al ont travaillé sur des groupes de femmes enceintes, le premier groupe travaillant la stabilité lombaire et le deuxième se concentrant sur des étirements du tronc et des membres inférieurs. Les deux groupes ont montré des résultats positifs dans la réduction de la douleur liée à la grossesse. Rodriguez-Blanque et al ont quant à eux montré que les femmes enceintes pratiquant un échauffement suivi d’exercices aérobies, de renforcement et d’étirements amélioraient leur humeur, leur bien-être et leur sommeil. Enfin, les différents protocoles proposés dans les études ont suggéré des intensités d’activité physique allant de faibles à modérées et ont encouragé les femmes enceintes à maintenir cette activité tout au long de leur grossesse.

Discussion

À l’image de Evenson et al (2014), les résultats de cette revue systématique montrent que les études analysant l’activité physique chez les femmes enceintes sont très hétérogènes sur les modalités d’exercice ainsi que sur l’intensité et la durée des exercices prescrits. Une standardisation de l’activité physique devrait être appliquée pour les femmes enceintes. En suivant ce cheminement, une trame semblable au programme FITT devrait être utilisée. Cette trame est utilisée dans de nombreux domaines dans lesquels les professionnels de santé prescrivent des exercices (chez des patients atteints de cancer, ceux avec des maladies cardiovasculaires, …) et elle permet de quantifier les modalités d’exercices telles que l’intensité. Une telle trame appliquée chez les femmes enceintes permettrait aux professionnels de santé de fournir des recommandations afin d’éviter la détérioration de la santé, le manque de forme physique et les autres problématiques liées à la grossesse.

La forme physique est caractérisée par « la capacité à réaliser les activités de la vie quotidienne avec vigueur et de présenter des caractéristiques associées à un faible risque d’apparition prématurée d’inactivité ». Campbell at al ont rajouté à cette définition la nécessité de maintenir ces capacités sous des conditions différentes de fatigue, de stress ou sous tout autre changement dans la santé globale, ce qui s’applique aux femmes enceintes. La forme physique est atteinte, maintenue et facilitée par la prescription d’exercices. Bien que la littérature présente de très nombreuses modalités d’exercices différentes, les composants les plus décrits comme participants au maintien de la santé sont les capacités cardiorespiratoires, la force et l’endurance musculaire, la composition corporelle et la souplesse. Adapter l’activité physique en fonction de ces composants chez les femmes enceintes leur permettrait d’obtenir des effets bénéfiques sur leur santé et leur forme physique.

À l’heure actuelle, les recherches ne se concentrent pas encore assez sur les différents composants de la forme physique chez les femmes enceintes en fonction du stade de la grossesse. En accord avec DiPietro et al, cette revue suggèrent que les études futures devraient fournir des recommandations sur-mesure pendant toute la « péri-grossesse », soit avant, pendant et à la suite de la naissance de l’enfant. La condition physique de la femme avant sa grossesse devrait aussi être évaluée afin d’optimiser les modalités d’exercices à prescrire dans le but d’atteindre ou de maintenir un ou plusieurs des composants de la forme physique.

Des directives prenant en compte le rôle et la possibilité pour la femme enceinte de pratiquer une activité physique permettrait d’améliorer l’adhésion à une telle pratique ainsi que sa promotion auprès des professionnels de santé. Cependant, les recherches à venir devrait identifier les professionnels de santé appropriés pour prescrire et recommander de l’activité physique pendant la grossesse. Pour compléter la littérature déjà existante, les recherches futures devraient aussi garantir la nature scientifique et la fiabilité des études, en prenant notamment en compte les limites énumérées et en élargissant les données obtenues.

Enfin, cette revue de littérature révèle un manque de prise en compte du contexte, concernant par exemple les caractéristiques des femmes enceintes telles que l’âge, les comorbidités, le niveau physique antérieur, l’IMC, le bien-être, l’état de la grossesse et de nombreux autres facteurs qui pourraient compromettre la réalisation d’activité physique régulière.

Conclusion

Cette étude a permis de montrer que l’activité physique pendant la grossesse a de nombreux effets favorables sur la santé. Les recommandations actuelles pour les femmes enceintes sont de 150 minutes par semaine d’exercice aérobie d’intensité modérée. Aucune autre explication supplémentaire n’étant fournie, les praticiens peuvent s’appuyer sur cette revue systématique pour examiner les résultats favorables de différentes modalités d’exercices (renforcement, équilibre, étirements, …) sur la santé de la mère et de l’enfant. Afin d’améliorer l’adhésion à l’activité physique chez les femmes enceintes, ce qui est considéré comme un facteur critique de succès, les professionnels de santé devraient prendre en compte la condition physique antérieure et actuelle et adapter les exercices proposés en fonction d’un objectif précis

Référence article

Cilar Budler L, Budler M. Physical activity during pregnancy: a systematic review for the assessment of current evidence with future recommendations. BMC Sports Sci Med Rehabil. 2022 Jul 16;14(1):133. doi: 10.1186/s13102-022-00524-z. PMID: 35842718; PMCID: PMC9288689.