Un programme d’exercices recommandé et approprié pour les patients souffrant d’arthrose du genou : Revue systématique et méta-analyse

Feb 23 / MÉDIAMPHI - ⏱️ 10 min
L’arthrose du genou (KOA) est une maladie dégénérative fréquente caractérisée par un œdème articulaire, un inconfort, de la raideur, une déficience voire une incapacité fonctionnelle, une atrophie musculaire sévère. Selon les statistiques, la KOA touche environ 302 millions de personnes dans le monde, et ce syndrome se répand de plus en plus dans en raison du vieillissement de la population.

Dans ce contexte, la plupart des patients atteints de KOA ne bénéficient pas de thérapies adaptées. La plupart des médecins diagnostiquent la KOA non seulement par l’anamnèse des symptômes mais aussi grâce aux résultats radiographiques. Les radiographies de routine dans le cadre de cette pathologie sont lues selon la classification de Kellgren et Lawrence (K-L).
Par convention, l’arthrose a été définie comme débutante à partir du grade 2 sur la classification de K-L.
L’arthrose peut aussi être classée sur la seule base de critères cliniques (y compris la douleur, l’âge, la raideur articulaire, les crépitements intra-articulaires, la sensibilité et la déformation osseuse), qui constituent les critères d’inclusion et d’exclusion de la plupart des essais cliniques étudiés ici.
Avis du pôle scientifique Médiamphi
Pastille verte
Cette revue systématique et méta-analyse est un article à faible risque de biais, tous les critères méthodologiques majeurs sont respectés permettant de limiter et contrôler au mieux les biais dans leur étude.
L’arthrose est une maladie qui affecte l’ensemble de l’articulation, et il n’existe aucun remède. L’attention doit se porter sur l’arthrose symptomatique (les différents types de douleurs et altérations de la fonction) afin d’identifier les investigations et les stratégies de traitement clinique pertinentes, capables de réduire l’impact de la maladie.
L’exercice est un type d’activité physique qui a pour but final ou intermédiaire de maintenir une ou plusieurs constantes physiques. Il se doit donc d’être planifié, structuré et répétitif, et la thérapie par l’exercice est largement utilisée car elle est facile à mettre en œuvre et peu coûteuse. Les guidelines internationales actuelles recommandent la thérapie par l’exercice comme traitement de première intention pour les patients atteints de KOA.
Plusieurs méta-analyses et examens systématiques ont prouvé l’efficacité de la thérapie physique régulière, y compris l’entrainement aérobie et le renforcement musculaire, pour réduire la douleur et l’impotence fonctionnelle chez les patients atteints de KOA. Cependant, les interventions combinées de différents types d’exercices ont été exclues de ces analyses. À notre connaissance, les méta-analyses existantes sur la thérapie par l’exercice concernant le KOA se sont concentrées sur le type, le moment et l’intensité de l’exercice.
Le but de cette revue était d’étudier l’impact de l’adhérence, élevée ou incertaine, aux types d’exercices recommandés par l’American College of Sports Medecine (ACSM – Tableau 1) sur la douleur, la fonction physique et la raideur chez les patients atteints de KOA.
Puisque la dose d’exercice optimale pour les patients atteints de KOA est encore inconnue, nous avons donc essayé d’explorer les effets du programme d’exercices recommandés par l’ACSM, dans l’espoir de proposer un programme d’exercices efficace et peu coûteux pour les patients atteints de KOA. 

Matériels et méthodes

 Protocole et stratégie de recherche

Les normes Preferred Reporting Items for Systematic Reviews and Meta-Analyses (PRISMA) ont été suivies pour la réalisation de cette méta-analyse (Figure 1).
De Janvier 2000 à Janvier 2022, les articles originaux ont été recherchés dans 5 bases de données électroniques : PubMed, EBSCO, Sport Discus, Medline et Web of Science.

La stratégie de recherche a été effectuée en utilisant le format PICO, incluant des mots clés en lien avec l’arthrose du genou, les exercices, l’activité physique et les essais contrôlés (ECR).

Nous avons également consulté les listes de références des ECR et des revues systématiques antérieures. D’autres études ont été trouvées en faisant une recherche manuelle dans les bibliographies des revues pertinentes et des articles récupérés.

 Critères d’éligibilité et de sélection des études

 Critères d’inclusion 

  • Patients atteints de KOA, quel que soit l’âge, l’IMC ou le sexe
  • Groupes de programmes d’exercices avec objectifs spécifiques dans au moins un groupe expérimental
  • Groupe témoin sans intervention, sans placebo, sans auto-administration ou intervention d’exercices
  • Essai contrôlé randomisé ECR
  • Études dont les résultats sont rapportés par les patients sur la douleur, la fonction physique ou la raideur

 Critères d’exclusion 

  • Tout traitement physique et mental, comme la médecine chinoise
  • Comparaison de différents sports et techniques
L’étude comprenait des ECR publiés impliquant des personnes présentant un KOA symptomatique et n’ayant pas subi de chirurgie liée au KOA. Tout programme d’exercices, y compris le renforcement musculaire, les assouplissements et les exercices cardiorespiratoires, pouvaient être utilisés comme intervention.

Lors de l’analyse, l’impact du programme d’exercices recommandé a été exploré en classant l’intervention en deux groupes : respect élevé et respect incertain de la prescription selon les recommandations de l’ACSM.

Résultats

 Caractéristiques de l’étude

Les 15 études retenues ont inclus 1436 participants atteints de KOA. L’âge moyen était de 66 ans et la proportion moyenne de participants de sexe féminin était de 71%.

La plupart des études ont utilisé l’échelle WOMAC (Western Ontario and McMaster Universities Osteoarthritis Index) pour évaluer la douleur, la fonction physique et la raideur.
Seuls 7 essais ont utilisé des test pratiques pour évaluer un changement dans la force musculaire, même si les 15 ont inclus un entrainement en résistance comme une partie significative de l’intervention.
La note K-L a été enregistrée dans 8 essais et 9 essais comprenaient des exercices de souplesse pour l’intervention, mais aucun n’avait de tests pour évaluer le changement réel de raideur musculaire. 6 études incluaient des exercices cardiorespiratoires mais aucune n’incluait de mesure pour évaluer un changement de cette fonction.

 Respect des recommandations de l’ACSM

Comme de nombreux essais ne décrivaient pas correctement le traitement, les auteurs ont utilisé un système de notation spécialisé pour juger de l’observance du programme de l’ACSM.
Les groupes d’intervention inclus dans les essais ont été classés, en fonction de la dose d’exercices, en deux groupes : conformité élevée et conformité incertaine.

Pour 6 études, les interventions d’exercices présentaient un taux de conformité ≥ 60% aux recommandations de l’ACSM, tandis que pour 9 études, les interventions d’exercices avaient un ratio de conformité < 60%.

Il y a deux raisons principales pour lesquelles les interventions de l’étude avaient un ratio < 60% : le plan expérimental n’a pas abordé tous les aspects de la prescription recommandée et les informations adéquates sur la prescription d’exercices n’ont pas été fournies pour permettre une évaluation adéquate.

 Méta-analyse

Les résultats de la méta-analyse sont en faveur de l’activité physique (par rapport à une absence d’exercices) pour améliorer la douleur, la fonction physique et/ou la raideur musculaire.

Discussion

Cette revue systématique et méta-analyse a confirmé que l’application d’un régime d'exercices supervisé était plus favorable en ce qui concerne la douleur, la fonction physique et la raideur chez les patients atteints de KOA.

Contrairement aux méta-analyses précédentes qui ignoraient les effets des interventions d'exercices combinés, l'objectif de cet article est que, puisque le renforcement musculaire, le cardio-training et les étirements sont les modalités d'entraînement les plus courantes, les études des interventions d'exercices multidimensionnels peuvent fournir un éventail plus large de recommandations de programmes pour les études futures, plutôt que de se limiter à une étude d'un type d'exercices spécifiques.

Nous avons constaté que le groupe à haute observance a amélioré de manière significative les indicateurs de raideur. Celle-ci peut refléter des changements musculaires en soi. Une explication de l'inconvénient de mélanger l'exercice avec le renforcement musculaire et l'exercice aérobie dans la même session peut être la réponse moléculaire. Cette réponse moléculaire diminue lorsque les exercices aérobiques et de renforcement sont effectués simultanément. Sur cette base, nous supposons que les meilleures performances du groupe à haute conformité peuvent être dues à l'inclusion d’exercices d’étirements dans leur programme d'intervention.

Il a été démontré que les étirements sont bénéfiques pour les patients atteints de KOA. La KOA peut entraîner des changements dans les schémas d'activation musculaire, tels qu'une diminution de l'activité des quadriceps. L'augmentation de l'activité des ischio-jambiers peut également entraîner une incapacité à s’étirer complètement et provoquer une augmentation de la raideur musculaire. Il est prouvé que l'entraînement de la souplesse peut améliorer la tension des ischio-jambiers et réduire la raideur chez les patients atteints d'arthrose.

Une précédente méta-analyse a prouvé que les programmes de traitement par l'exercice se concentrant sur une seule forme d'exercice étaient plus efficaces pour réduire la douleur et l'incapacité rapportée par le patient que ceux combinant plusieurs types d'exercices avec des objectifs distincts au cours de la même séance. Nos résultats confirment leurs conclusions sur les mesures de la douleur et de la fonction physique.

La gestion de la douleur peut être la principale préoccupation des patients présentant un grade IV sur l’échelle de K-L. Les études actuelles sur les traitements typiques du KOA sont contradictoires, et on ne sait pas quels patients bénéficieront de quelle thérapie. L'extrême hétérogénéité des symptômes cliniques et anatomiques du KOA entre les patients est une caractéristique importante de la maladie. C’est l'une des raisons pour lesquelles une approche thérapeutique uniforme pour les patients atteints de KOA est impossible.

La plupart des interventions d'exercices incluses dans cette méta-analyse impliquaient l'entraînement de l'ensemble du membre inférieur (MI). Les MI forment une chaîne cinétique complète, ce qui rend impossible le fonctionnement entièrement indépendant des articulations de la hanche, du genou ou de la cheville. Au contraire, elles peuvent s'influencer mutuellement. Par exemple, les exercices de renforcement de l'abducteur de la hanche peuvent réduire la douleur et améliorer la fonction globale chez les personnes atteintes de KOA. L'équilibre de la force entre les quadriceps et les ischio-jambiers est essentiel pour réduire le risque de KOA. Les dernières recherches montrent également que la performance du gastrocnémien et du tendon d'Achille est également altérée chez les patients atteints de KOA. Bien que ces études montrent l'effet de différents groupes musculaires sur les patients atteints de KOA, l'application des principes d'entraînement dans la conception des exercices est incohérente et insuffisante, et une évaluation scientifique correcte de la littérature est difficile.

Points forts et limites de cette méta-analyse

  • Solidité méthodologique : à notre connaissance, c’est la 1ère méta-analyse de la thérapie par l’exercice pour les patients atteints de KOA, regroupés selon l’adhésion à l’ACSM
  • Spectre des études incluses : 2000 à 2022, excluant les articles plus anciens qui auraient pu manquer de précision dans la description des interventions par l’exercice
  • Soins « habituels » ne sont pas normalisés et varient considérablement d’une étude à une autre. Ainsi, la base solide de l'étude est que le groupe témoin est un groupe témoin vierge qui ne reçoit aucune intervention en matière d'exercices et exclu les personnes qui reçoivent une éducation à l'exercice dans le cadre de leur éducation thérapeutique.
Notre étude présente plusieurs limites. Un défaut important est que nous nous sommes entièrement appuyés sur les descriptions des auteurs pour classer la conformité élevée et douteuse. Même lorsque l'exercice se concentre sur l'amélioration de la force, il est typique de trouver certains éléments de raideur musculaire et d'entraînement aérobie dans le programme. Certains essais n'ont pas entièrement caractérisé les doses d'exercices, les décrivant simplement comme "individualisées" dans certains cas. En raison d'un manque de description expérimentale, l'intervention de l'étude pourrait être classée à tort comme un groupe d'observance incertaine en utilisant une telle méthode de cotation.
La deuxième limite est que l'aveuglement est extrêmement difficile, voire impossible. Dans les études comparant l'exercice à l'absence d'exercice, il existe un risque de gonfler la taille de l'effet du traitement.
Une dernière limite est que notre analyse n'était pas conforme à l'ITT (intention de traiter) car certaines études n'ont pas rapporté de données ITT, ce qui peut biaiser nos résultats.

Implications pratiques

Les programmes d’exercices combinant du renforcement musculaire des MI, des exercices visant à améliorer la raideur et la capacité aérobie semblent être l’option la plus pertinente et les programmes d’exercices optimaux pour la KOA devraient avoir un seul objectif et se concentrer sur la combinaison de ces 3 paramètres.

Alors que les détails du renforcement musculaire semblent avoir des descriptions précises, les informations sur les étirements et l’entrainement cardiorespiratoire sont rares. La conception de l’intervention devrait respecter la combinaison de ces 3 paramètres, y compris lors de la sélection correcte du type d’exercices et des modalités détaillées des principes d’entrainement (spécificité, surcharge et progression, incluant le nombre de répétitions, de séries, l’intensité, le temps de repos…). Le traitement des patients atteints de KOA doit être individualisé.

Conclusion

La méta-analyse a montré des améliorations de la douleur, de la fonction physique et de la raideur dans le groupe à conformité élevée par rapport au groupe témoin. Par rapport au groupe à conformité incertaine, le groupe à conformité élevée a montré une amélioration significative uniquement dans les mesures de la raideur.
Les effets de l’exercice dans la KOA peuvent dépendre du type d’exercice et de résultat recherchés. La question de savoir si le régime d'exercice recommandé par l'ACSM est efficace chez les patients atteints de KOA doit être étudiée plus en détail.
Par conséquent, nous suggérons que de futures explorations et recherches multidimensionnelles sur les régimes d'exercices appropriés pour les patients atteints de KOA sont nécessaires.

Référence article

Guo X, Zhao P, Zhou X, Wang J, Wang R. A recommended exercise program appropriate for patients with knee osteoarthritis: A systematic review and meta-analysis. Front Physiol. 2022 Oct 3;13:934511. doi: 10.3389/fphys.2022.934511. PMID: 36262252; PMCID: PMC9574341.