Biomarqueurs sanguins du stress oxydatif chez les femmes : influence de la contraception orale, de l’exercice et de la N-acétylcystéine

Pour la compréhension de l’effet des RONS sur la fonction musculaire, des études ont utilisé une supplémentation en antioxydants à la suite d’exercices intenses. Leurs résultats suggèrent que lorsque la concentration de RONS générés par l’exercice est élevée, les antioxydants peuvent protéger les cellules musculaires contre les mécanismes de fatigue et ainsi améliorer la performance. L’un de ces antioxydants est la N-acétylcystéine (NAC), qui agit comme un donneur de cystéine pour la (re)synthèse du glutathion, la production mitochondriale de sulfate-soufre et dans une moindre mesure, aurait une capacité de récupération. Les recherches en physiologie de l’exercice, principalement menées sur les hommes, ont trouvé que la NAC était une aide ergogénique pour les exercices de préhension, la course intermittente à haute intensité ainsi que le cyclisme à haute intensité. De plus, il a été démontré que la NAC était plus efficace chez les hommes avec une carence en glutathion que chez les hommes sans. Sachant que les femmes prenant une OC auraient un taux plus faible de glutathion et de glutathion peroxydase (GPx), une supplémentation en NAC pourrait avoir un impact positif sur leurs performances.

68 femmes âgées de 18 à 35 ans ont manifesté leur intérêt pour participer à cette étude et ont dû passer 5 étapes afin de déterminer leur éligibilité. Les femmes considérées comme à « haut risque » pour un exercice à haute intensité, celles qui prenaient des anti-oxydants ou des suppléments vitaminiques, qui fumaient, qui utilisaient une forme de contraception hormonale autre que monophasique ou combinée, ou celles qui présentaient des antécédents de troubles endocrinologiques, respiratoires, cardiovasculaires, inflammatoires et musculosquelettiques ont été exclues. Les femmes ayant un cycle menstruel naturel mais dont le cycle n’était pas régulier ont aussi été exclues. Au final, 20 femmes ont été incluses dans l’étude et séparées en deux groupes : 11 dans le groupe NC (Natural menstrual Cycle) et 9 dans le groupe OC. 

Les femmes NC ont été testées au milieu de la phase lutéale, car c'est la seule phase où l'estradiol et la progestérone sont élevées simultanément. Les femmes OC ont été testées aussi tard que possible dans les jours de prise active de pilules (jours 13-18) afin de minimiser la collecte de données pendant les changements transitoires dans les concentrations de biomarqueurs qui peuvent se produire au cours de la première semaine de prise de pilule, tout en minimisant le risque de symptômes qui peuvent influencer la motivation lors des exercices au cours de la dernière semaine de prise active de pilule. L’hypothèse est que les variables dans les résultats primaires (biomarqueurs sanguins) dans le groupe OC sont modifiées en raison du métabolisme des hormones sexuelles exogènes plutôt que de la diminution des hormones endogènes qui en résulte. Par conséquent, les jours de tests attribués ont permis de comparer les groupes lorsqu’ils étaient soumis à des hormones sexuelles féminines exogènes ou endogènes. La durée moyenne du cycle menstruel a été calculée sur quatre mois consécutifs et utilisée pour déterminer le moment approximatif de la poussée de l’hormone lutéinisante (LH).

Les participantes se sont rendues 5 fois en laboratoire pour réaliser un test de cyclisme jusqu’à épuisement, une séance de familiarisation, un essai expérimental sans intervention (NULL) et deux essais expérimentaux avec intervention. Les tests ont été réalisés sur trois mois consécutifs afin d’assurer la cohérence des rapports hormonaux. Le protocole d’exercice comprenait une séance de 40 minutes de vélo à intensité élevée, immédiatement suivie d’un TT de 1 km au maximum des capacités des participantes. Les essais d’intervention comprenaient la consommation d’une boisson placebo ou d’une boisson contenant de la NAC et ont été réalisés dans le cadre d’une étude croisée randomisée en double aveugle. La prise de la NAC était faite de façon aigue, contrairement aux précédentes études dont les prises étaient faites par voie orale sur plusieurs jours ou par intraveineuse. Ces protocoles plus longs de supplémentation en antioxydant et d’élimination peuvent poser problème dans le cadre de recherches expérimentales chez les femmes en raison de la complexité méthodologique liée au contrôle du cycle menstruel. De plus, une supplémentation chronique en antioxydant peut avoir des effets indésirables sur l’adaptation à l’entrainement. C’est pour cela que le protocole de prise orale aigue (le jour même) de NAC a été retenu pour cette étude. Les essais expérimentaux ont été réalisés à 7h00 du matin (+/- 2heures) pour minimiser l’influence du rythme circadien, et la température et le taux d’humidité sont restés constants (22-23°C / 55-65% d’humidité). 

Les participantes ont reçu pour consigne de maintenir leurs entrainements et leur régime alimentaire habituel. Elles ont dû remplir un questionnaire d’apport alimentaire en antioxydants qui comprend 70 items, ainsi qu’un journal avec leurs entrainements sur les 7 derniers jours et leur nutrition complète sur 24 heures avant chaque test. Des questionnaires de suivi de fatigue musculaire et de qualité de sommeil ont aussi été complétés, et les participantes ont reçu pour instruction d’avoir 24 heures de repos complet avant chaque test ainsi que 3 jours de repos relatif après les séances d’exercices entrainant des dommages musculaires (ex : excentrique).

Après le test de vélo jusqu’à épuisement, permettant de calculer le pic de VO2 des participantes, ainsi que la séance de familiarisation, dont l’objectif était que les patientes apprennent à utiliser le vélo et soit à l’aise dessus, les deux séances avec intervention ont eu lieu. Les participantes ont dû venir le matin à jeun (8 heures de jeun). Un cathéter a été inséré dans la veine antécubitale des participantes afin de prélever 5 échantillons sanguins pour déterminer les concentrations en hormones sexuelles féminines ainsi que le profil redox. Les échantillons ont été prélevés 60 minutes après la consommation de la boisson et avant le début de l’exercice (Pré), 20 minutes après le début de l’exercice (Ex20), 40 minutes après le début de l’exercice (Ex40) et 2 minutes après la fin du TT de 1 km (Post). La première et deuxième dose de boisson contenant la NAC ont été administrées respectivement 60 et 30 minutes avant l’exercice. La fréquence cardiaque, le RPE et la concentration sanguine de lactate ont été mesuré en Pré, Ex20 et Ex40. A la fin des 40 minutes d’entrainement à intensité fixe, les analyses ont été arrêté pour que les participantes passent sur le WattBike. Elles ont reçu pour consigne de réaliser un TT de 1-km le plus rapidement possible, avec encouragement verbal. Les paramètres de performance ont été enregistrés à partir de l'écran d'ordinateur attaché au Wattbike. Les mesures de la fréquence cardiaque maximale, du RPE maximal (obtenu immédiatement après l'exercice) et de la concentration de lactate dans le sang (définie comme la valeur la plus élevée mesurée à partir d'un échantillon capillaire du lobe de l'oreille 1 min ou 3 min après l'exercice) ont été obtenues. Les participantes sont retournées au laboratoire 3-4 jours plus tard pour effectuer les mêmes procédures après avoir consommé l'autre boisson (placebo ou NAC). La boisson contenant de la NAC a suivi les recommandations antérieures qui sont l’ingestion de 70 mg/kg de masse corporelle de NAC sous forme liquide, 1 heure avant le début de l’exercice.

Les concentrations sériques d’œstradiol et de progestérone étaient significativement plus faibles chez les femmes OC que chez les femmes NC. Toutes les autres caractéristiques des participantes n’étaient pas statistiquement différentes entre les groupes. 

La fréquence cardiaque a augmenté avec le temps mais n'était pas différente entre le supplément ou le groupe. La consommation d'oxygène a augmenté avec le temps mais n'était pas différente entre le groupe ou le supplément. La ventilation a augmenté pendant le cyclisme et l'ampleur de l'augmentation était plus importante chez les femmes OC que chez les femmes NC, indépendamment de la supplémentation. Le ratio d'échange respiratoire a diminué avec le temps mais n'était pas différent selon le groupe ou la supplémentation. Il y a eu un effet du temps sur l'efficacité ; l'efficacité étant probablement préservée au fil du temps dans l'essai NAC par rapport à l'essai placebo, quel que soit le groupe. Le RPE a augmenté pendant le cyclisme, mais n'était pas différent entre le groupe ou le supplément. Le lactate a augmenté à la suite de l'exercice, mais cette augmentation ne présentait pas de différences en fonction des groupes, de la prise de NAC ou du placebo ni en fonction du temps (Ex20 et Ex40). 

La glutathion peroxydase était plus faible chez les femmes OC. Les concentrations plasmatiques de thiols étaient plus élevées à tous les moments dans les essais avec prise de NAC comparé aux essais avec prise de placebo, et cela dans les deux groupes. Un effet du temps et de la supplémentation a été observé sur la capacité totale antioxydante (TAC), mais il n’était pas clair si la TAC était statistiquement plus élevée dans l’essai NAC que dans l’essai placebo après le TT de 1 km. La quantité totale de glutathion était statistiquement plus faible dans les essais avec NAC à la fin de l’exercice de 40 minutes ainsi qu’après le TT de 1 km. La prise de NAC a permis d’atténuer l’augmentation post-exercice de la malondialdéhyde (MDA) mais seulement dans le groupe NC. Il y a eu un effet du temps mais pas du groupe ou du supplément sur la 3-nitrotyrosine (3NT) et l’albumine. Enfin, la protéine C-réactive (CRP) était plus élevée dans le groupe OC mais il n’y a pas eu d’effets du temps ou du supplément. 

Les temps d’exécution du TT de 1 km étaient statistiquement équivalents entre l’essai NAC et l’essai placebo pour les deux groupes. La puissance de sortie moyenne et la fréquence cardiaque maximale n’étaient pas différentes entre les groupes dans les essais NAC et les essais placebo. 

Cette étude a investigué l’effet aigue d’une prise orale de NAC (1 heure avant l’exercice) sur les réponses physiologiques et biochimiques chez des femmes prenant une contraception orale et chez des femmes avec un cycle menstruel naturel. Les résultats montrent que la prise d’une contraception orale est associée à une augmentation du stress oxydatif, de l’inflammation (CRP) et de la ventilation lors d’un exercice sur vélo à haute intensité. La supplémentation en NAC atténue l’augmentation de la peroxydation des lipides induite par l’exercice (MDA) chez les femmes NC mais pas chez les femmes OC. Cette supplémentation n’a pas d’impact sur la performance au TT de 1km peu importe le groupe. Ces résultats montrent que la prise d’OC influence les réponses physiologiques et biochimiques aux exercices et augmente le stress oxydatif chez les femmes en prenant, ce qui pourrait avoir des implications à long terme sur leur santé, leur adaptation à l’entrainement et leur récupération. 

Les niveaux de MDA et CRP au repos était plus élevés dans le groupe OC que dans le groupe NC, et cette différence s’est maintenue pendant l’exercice à haute intensité ainsi qu’après le TT de 1 km. De précédentes études avaient déjà rapporté ces observations. Cela indique que les différences observées en post-exercice sur les niveaux de MDA et de CRP sont en partie expliquées par une différence déjà présente au repos. La présence plus importante de ces biomarqueurs sanguins chez les femmes OC est probablement due au métabolisme des stéroïdes sexuels exogènes dans le foie, ce qui submerge les voies conjuguées et contribue à une augmentation de certaines protéines hépatiques, des RONS et des dommages oxydatifs. En plus de la prise d’OC, l’exercice augmente les RONS ainsi que les dommages oxydatifs par interaction avec les lipides cellulaires.

Un autre résultat important de cette étude est que la peroxydation des lipides (MDA) après l’exercice de vélo à intensité fixe et le TT de 1 km a augmenté chez les femmes OC après la supplémentation en NAC. En revanche, la NAC a permis de d’atténuer l’augmentation de la MDA chez les femmes NC, ce qui est soutenu par de précédentes études sur la NAC. L'incapacité de la NAC à atténuer les augmentations de MDA induites par l'exercice chez les femmes OC peut refléter un épuisement de la capacité antioxydante endogène de l'organisme induit par les contraceptifs, résultant probablement d'une production excessive de RONS qui est aggravée par des mécanismes liés à la fois au métabolisme des OC et au métabolisme de l'exercice. Une dose plus élevée de NAC pourrait être nécessaire chez les femmes OC, mais cela pourrait augmenter le risque d’inconfort gastro-intestinal.

L’efficacité brute du cyclisme a diminué dans les deux groupes au cours de l’exercice à haute-intensité, cependant il est intéressant de noter que la NAC peut avoir diminué la pente du déclin de l’efficacité. Bien qu’elle ne soit pas clairement différente d’un point de vue statistique, elle pourrait entrainer une amélioration significative de la performance au cours d’une tâche plus longue, comme un test de performance de 2 heures. Le mécanisme qui peut soutenir la préservation de l'efficacité du cyclisme par la NAC pourrait être lié au maintien de l'activité des transporteurs d'ions clés en réduisant l'interférence des oxydants et/ou via une meilleure régulation de la libération de calcium dans les myofibres en contraction.

La présente étude peut présenter des limitations telles que les biomarqueurs sanguins sélectionnés ou la période d’échantillonnage. Des critères d’inclusion rigoureux ainsi que certains facteurs contextuels tels que la grossesse ont limité le nombre de participantes dans cette étude. Enfin, les résultats doivent être extrapolés avec prudence aux athlètes féminines d’élite car toutes les participantes étaient considérées comme des sportives récréatives et ne subissaient donc pas la même charge d’entrainement que les sportives professionnelles.