La force musculaire en rotation de hanche est impliquée dans la progression de l’arthrose post-traumatique précoce : évaluation longitudinale jusqu’à 5 ans après la reconstruction du LCA

Dec 7 / MEDIAMPHI - ⏱ 5min

Introduction

L’arthrose précoce est une conséquence bien établie des lésions du ligament croisé antérieur (LCA), quelle que soit la méthode de prise en charge. C’est particulièrement le cas de l’arthrose fémoro-patellaire, qui, bien que présente chez 50% des jeunes adultes 10 à 15 ans après la rupture du LCA, est souvent méconnue et constitue une source importante de symptômes au niveau du genou. La faiblesse du quadriceps est fréquente après une reconstruction du LCA (ACL-R) et constitue un facteur de risque bien établi pour la douleur et l’arthrose de genou.

L’importance de la fonction musculaire de la hanche dans les troubles de l’articulation fémoro-patellaire à la suite d’une ACL-R est beaucoup moins connue, et a été débattue par les cliniciens et les chercheurs. Malgré cela, la faiblesse musculaire de la hanche ne semble pas prédire l’apparition d’une douleur au niveau de l’articulation fémoro-patellaire chez les adultes, ce qui suggère qu’elle pourrait être la conséquence plutôt que la cause de cette pathologie. On pense que la force musculaire de la hanche influence la fonction et la douleur de l’articulation fémoro-patellaire via le contrôle de la rotation interne. Cependant, les preuves empiriques d’une relation entre la force musculaire de la hanche et les symptômes ne sont pas concluants.
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Avis du pôle scientifique Médiamphi
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Cette étude de cohorte longitudinale est un article à faible risque de biais, tous les critères méthodologiques majeurs sont respectés permettant de limiter et contrôler au mieux les biais dans leur étude.
Après une ACL-R, la force de rotation de la hanche a rarement été comparée entre les membres ou à des témoins sains, quelques études rapportant des résultats incohérents ou aucune différence. La relation entre la force de rotation de la hanche et les caractéristiques cliniquement pertinentes telles que la fonction physique, les futurs symptômes de l'articulation du genou et le risque d'arthrose, n'est pas connue. Nous avons donc cherché à comparer la force de rotation de la hanche entre les membres ACL-R et les membres controlatéraux chez les personnes 1 an après l'ACL-R, et à étudier la relation transversale et longitudinale entre la force de rotation de la hanche et les résultats fonctionnels, symptomatiques et structurels jusqu'à 5 ans. Nous avons émis l'hypothèse que la faiblesse de la rotation de la hanche dans le membre ayant subi une ACL-R serait associée de manière transversale à une fonction physique médiocre, à des symptômes plus graves et à une moins bonne santé du cartilage de l'articulation fémoro-patellaire, et qu’elle permettrait de prédire ces problèmes à l’avenir. 

Méthodes

 Participants

111 participants (âgés de 18 à 50 ans) ont été recrutés pour cette étude. Pour être recrutés, ils devaient avoir subi une ACL-R il y a moins d’un an, par prélèvement des ischio-jambiers. 
Les principaux critères d’exclusion étaient : 
  • Lésions antérieures du genou, avec ou sans opération
  • Plus de 5 ans entre la blessure et la reconstruction
  • Plus de 15 mois après l’ACL-R au moment du recrutement initial

 Données d'analyse

Un an et cinq ans après l’ACL-R, les participants ont assisté à une évaluation physique pour recueillir des données sur les performances fonctionnelles et physiques (forces musculaires des rotateurs de hanche) ainsi que sur les résultats rapportés par les patients (PROMS).

Une radiographie et une IRM ont été demandées dans un centre d’imageries collaborateur dans la semaine suivant l’évaluation physique.

Résultats

Les 111 participants recrutés ont passé les tests initiaux mais seulement 74 ont effectué les tests à 5 ans.

 Forces de rotation de hanche

  • Il y avait une petite différence entre le membre ACL-R et le membre controlatéral pour la force de rotation externe de hanche, qui n’existait pas pour la force de rotation interne. 

 Tests fonctionnels

  • Une plus grande force de rotation externe et interne de hanche à 1 an était liée à une meilleure performance à tous les tests fonctionnels à 1 et 5 ans, à l’exception de l’absence de relation entre la force de la rotation interne de hanche et le single hop test for distance à 5 ans. 

 PROMS

  • Aucune association entre la force de rotation externe ou interne de hanche et les PROMS KOOS-PF et KOOS4 à 1 an n’a été retrouvée.
  • Une plus faible rotation externe de la hanche était associée à de plus mauvais scores KOOS-PF et KOOS4 à 5 ans.

 Lésions cartilagineuses

  • Les forces de rotation externe et interne de hanche n’étaient pas associées aux lésions cartilagineuses fémoro-patellaires ou tibio-fémorales à 1 an.
  • Une plus grande force de rotation externe a diminué le risque d’aggravation de l’atteinte du cartilage tibio-fémoral entre 1 et 5 ans après l’ACL-R.

Discussion

Contrairement à notre hypothèse, la force de rotation de hanche n’était pas liée aux lésions cartilagineuses fémoro-patellaires 1 an ou 5 ans après l’ACL-R, mais la faiblesse de la rotation de hanche était associée à de futurs symptômes fémoro-patellaires 5 ans plus tard. Dans l’ensemble, la force de rotation de la hanche pourrait jouer un rôle dans la qualité de vie des personnes ayant subi une ACL-R.

Nos résultats retrouvent un déficit spécifique de rotation externe de hanche dans le membre ACL-R, alors que d’autres études n’ont montré aucune différence entre les membres pour la force de rotation interne et externe. La différence que nous avons trouvée est faible et pourrait n’être cliniquement significative que pour certaines personnes. Lors de la comparaison avec des témoins non blessés, les résultats sont mitigés.

En comparant nos résultats aux données normatives publiées dans une autre étude avec un protocole identique, nos résultats de force de rotation externe de hanche sont plus faibles, mais similaires pour la rotation interne. Une partie de la variabilité dans la littérature et des différences observées par rapport à nos résultats peut être due à la nature spécifique de la tâche des stratégies de réadaptation, car la production de force musculaire de la hanche est spécifique à l’amplitude du mouvement.

La faiblesse de rotation externe de hanche peut être un facteur de risque d’aggravation de la fonction du genou et de la santé du cartilage après une lésion du LCA. Ceci est cohérent avec les études sur l’arthrose du genou, où une plus grande force musculaire de la hanche était protectrice des lésions cartilagineuses tibio-fémorales dégénératives.

Les fortes relations positives entre la force de rotation de hanche et la performance fonctionnelle dans cette étude sont cohérentes avec les résultats précédemment rapportés dans les blessures du LCA. Cela confirme l’importance des muscles rotateurs de hanche lors de la propulsion unipodale : soit en tant que générateurs de force, soit en tant que stabilisateurs de l’articulation. Cela peut expliquer le lien entre la force de rotation de hanche et les résultats autodéclarés.

Limites

Nous n'avons recueilli que deux mesures de la force musculaire de hanche dans une seule position, et la mesure d'autres muscles des membres inférieurs aurait pu révéler des mécanismes contribuant à la faiblesse identifiée. On ne sait pas non plus si les différences de force ont contribué à la blessure et/ou à la rééducation du LCA, ou si elles en ont été la conséquence. Par exemple, des déficits de force du quadriceps allant jusqu’à 20% et une faiblesse des ischio-jambiers de 10% par rapport au côté non lésé peuvent être présents un an après une lésion du LCA. 

Conclusion

Une force de rotation externe de hanche plus faible un an après la rupture du ligament croisé antérieur a été associée à une fonction plus faible, à des résultats moins bons rapportés par le patient et à une détérioration de la santé du cartilage tibio-fémoral jusqu'à cinq ans après la reconstruction.
La force de rotation de la hanche peut jouer un rôle dans la progression de la maladie articulaire, des symptômes et de la fonction après une lésion du LCA, mais des travaux supplémentaires sont nécessaires pour comprendre si la relation est causale, et/ou si le fait de cibler la force de rotation de la hanche peut aider à prévenir ou à réduire la maladie future.

Référence article

Girdwood MA, Patterson BE, Crossley KM, Guermazi A, Whitehead TS, Morris HG, Rio EK, Culvenor AG. Hip rotation muscle strength is implicated in the progression of early post-traumatic osteoarthritis: A longitudinal evaluation up to 5 years following ACL reconstruction. Phys Ther Sport. 2023 Sep;63:17-23. doi: 10.1016/j.ptsp.2023.06.001. Epub 2023 Jul 3. PMID: 37419038.
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