Adhésion aux directives relatives à l’entrainement aérobie et au renforcement musculaire : revue de littérature et méta-analyse de 3,3 millions de participants à travers 31 pays

Mar 23 / MÉDIAMPHI - ⏱️ 6 min
L’Organisation Mondiale de la Santé a reconnu l’inactivité comme risque majeur pour la santé et le développement de maladies chroniques ; augmenter le niveau d’activité physique est donc un défi international de santé publique. Ces recommandations proviennent depuis 1995 de l’US Center for Disease Control and Prevention et de l’American College of Sports Medicine et elles concernaient seulement l’exercice aérobie modéré à intense (MVPA ; Moderate to Vigorous Physical Activity). Cependant, depuis 2007 pour les adultes et 2008 pour les jeunes, les recommandations d’activité physique incluent au moins deux jours de renforcement musculaire (MSA ; Muscle-strengthening activity). Plus précisément, l’OMS a prescrit en 2020 au moins 60 minutes de MVPA par jour ainsi que minimum 3 jours de MSA par semaine pour les enfants et adolescents. Pour les adultes, les recommandations sont réparties sur une semaine et incluent 150 à 300minutes d’activité modérée ou 75 à 150 minutes d’activité intense, et 2 jours ou plus de MSA.

Cependant, les dernières études montrent que ces recommandations ne sont suivies que par environ 1 adulte sur 3, et la prévalence de l’insuffisance d’activité physique chez les adolescents est encore plus importante, pouvant atteindre jusqu’à 81%. Lors de ces études, la MSA n’a pas été prise en compte et il convient de noter que si elle était prise en compte en plus de la MVPA, la prévalence de l’inactivité physique serait encore plus importante. 
Avis du pôle scientifique Médiamphi
Pastille verte
Cette revue systématique et méta-analyse est un article à faible risque de biais, tous les critères méthodologiques majeurs sont respectés permettant de limiter et contrôler au mieux les biais dans leur étude.
En effet, si la prévalence de la MVPA est de 23,7% chez les adultes, la prévalence des recommandations de MVPA et de MSA combiné chute à 15,9%. Notons aussi que la prévalence des activités physiques présente de grandes différences en fonction du sexe et que les filles / femmes font moins d’activités physiques que les garçons / hommes en général.

L’intérêt de combiner MVPA et MSA se base sur des données épidémiologiques montrant que chacune de ces activités présente des avantages indépendants et cumulatifs sur la santé. Une méta-analyse récente a montré que la combinaison MVPA / MSA augmente les bénéfices sur la santé, en particulier sur les risques de maladies cardiovasculaires et sur la mortalité globale liée au cancer. Malgré cela, les études évaluant l’association de ces deux activités se font rares. L’objectif de cette étude sera donc de déterminer la prévalence globale de l’adhésion aux recommandations de l’OMS sur la MVPA et la MSA et de les mettre en relation avec des facteurs sociodémographiques et de mode de vie selon les catégories de population.

Méthode

La recherche des études a été faite sur PubMed, Web of Science, SportDiscus, EMBASE et Scopus. Les études incluses vont jusqu’en septembre 2022 et elles devaient répondre aux critères d’éligibilité suivants :
  • Participants âgés de plus de 5 ans
  • Adhérence simultanée à l’exercice aérobie et au renforcement musculaire
  • Format de l’étude : transversale, prospective et/ou rétrospective
Les études ne répondant pas à ces critères ou analysant l’activité physique chez des personnes présentant déjà des pathologies ont été exclues.

Les données extraites ont été le format de l’étude, les informations sur les participants (âge et sexe), les détails de l’activité physique et la proportion de participants suivant les recommandations sur la MVPA et la MSA simultanément. Quand cela était possible, des données supplémentaires ont été extraites : masse corporelle, niveau d’éducation, statut de fumeur ou non et niveau de santé auto-rapporté.

Résultats

Pour cette revue de littérature, 21 études ont été incluses, comprenant 3 390 001 participants âgés de 12 à 95 ans dont 51,1% de femmes. La MVPA et la MSA ont été auto-rapportées dans toutes les études, sauf dans une qui a étudié l’activité aérobie par le biais des accéléromètres.
Au total, 670 505 participants ont respecté les deux directives d’activité physique. L’adhésion globale aux recommandations était de 17,15% chez les plus de 18 ans et de 19,45% chez les 12 – 17 ans. Les hommes présentaient une prévalence d’adhésion plus importante que les femmes (23,5% vs 17,42%). Les participants plus âgés suivaient moins les recommandations que les adultes plus jeunes (13,63% vs 21,21%).
L’adhésion était aussi différente en fonction de la masse corporelle des participants :
  • 12,62% pour les personnes en insuffisance pondérale
  • 19,87% pour les personnes avec un IMC considéré comme normal
  • 14,98% pour les personnes en surpoids
  • 9,77% chez les personnes obèses
Le niveau de suivi des recommandations de MVPA et MSA était aussi plus élevé chez les patients avec un haut niveau d’éducation (26,5%) que les ceux avec un niveau d’éducation moyen (19,56%) et faible (8,26%). Enfin, les participants rapportant une excellente à bonne santé physique présentaient un plus haut pourcentage d’adhésion (20,56%) que ceux rapportant une condition physique moyenne (8,16%) et faible (5,06%).
Il n’y avait pas de différence significative pour la participation aux activités physiques entre les fumeurs et les non-fumeurs.

Discussion

Le résultat le plus significatif de cette méta-analyse est que seulement un adulte / adolescent sur 5 suit les recommandations de MVPA et MSA de l’OMS, et cela sur un échantillon représentatif incluant 31 pays. En ce qui concerne les facteurs sociodémographiques et le mode de vie, les femmes, les personnes âgées, les personnes avec un niveau d’éducation plus faible, un poids insuffisant ou un surpoids ainsi qu’une santé auto-évaluée plus faible sont ceux qui suivent le moins les recommandations.

La prévalence de l’adhésion aux deux types activités physiques recommandés est plus faible dans les pays d’Europe centrale, d’Europe du Sud et aux États-Unis que dans les pays d’Europe du Nord. Les explications possibles sont la différence entre les instruments utilisés pour mesurer l’activité physique ainsi que les différentes politiques de promotion de l’exercice mises en place en fonction des pays. C’est ce que l’on retrouve au Pays-Bas, pays qui présente une des plus fortes prévalences d’activité physique, où le gouvernement a mis en place depuis 2017 des plans d’actions nationaux et de nombreuses collaborations pour promouvoir l’exercice pour la santé avec pour objectif que 75% de la population y adhère. Par ailleurs, l’inégalité de richesse entre les pays a probablement un impact sur les possibilités des populations à accéder à des salles de fitness ou autres infrastructures permettant d’effectuer une activité physique sur son temps libre. De plus, les facteurs environnementaux tels que l’accès sûr aux transports publics, la possibilité de se déplacer à pied et l’engagement dans des modes de déplacements actifs devraient être pris en compte.

Concernant les adolescents, les résultats de cette méta-analyse montrent que la prévalence d’adhésion aux recommandations d’activité physique n’est pas assez élevée, mais cela pourrait s’expliquer par le nombre important de jours et donc le temps nécessaire pour respecter les directives de l’OMS (tous les jours chez les adolescents contre environ 3 jours par semaine chez les adultes). De plus, d’autres études sur le sujet sont nécessaires dans les populations âgées de 5 à 11 ans.

La probabilité la plus faible de respecter les directives de l’OMS sur la MVPA et la MSA a été identifiée chez les personnes ayant une mauvaise auto-évaluation de leur santé, un faible niveau d’éducation et chez les adultes souffrant d’obésité, tous ces facteurs étant directement liés. Cela est en accord avec une précédente étude de Bennie et al qui a étudié ces facteurs sur 1,7 millions d’adultes américains, et qui a précisé que la diminution de l’activité physique était plus importante chez les personnes avec le plus haut taux d’obésité.

Cette revue de littérature a permis de fournir une estimation précise de la prévalence de l’activité physique dans la population mondiale. L’importance de respecter les deux directives de l’OMS d’un point de vue clinique a déjà été soulignée dans certaines études de cette méta-analyse. Par exemple, les adultes pratiquant la MVPA et la MSA selon les niveaux recommandés ont montré une réduction du risque de mortalité toutes causes confondues ainsi qu’un risque plus faible de multimorbidité (risque cardiovasculaire, diabète, …).

Conclusion

Sur un grand échantillon d’individus provenant de 31 pays différents, seulement 19% des adolescents et 17% des adultes suivent les recommandations concernant l’activité aérobie et le renforcement musculaire. Ces prévalences sont encore plus faibles chez les femmes, les sujets âgés, ceux en insuffisance pondérale ou en surpoids, avec un niveau moyen ou faible d’éducation ainsi que ceux auto-évaluant leur santé comme moyenne ou faible. Ces niveaux de prévalence sont préoccupants du point de vue de la santé publique et soulignent la nécessité de mettre en place des mesures à grande échelle en matière d’activité physique. Par ailleurs, de nouvelles études devraient être menées sur les 5 – 11 ans.

Référence article

Garcia-Hermoso A, López-Gil JF, Ramírez-Vélez R, Alonso-Martínez AM, Izquierdo M, Ezzatvar Y. Adherence to aerobic and muscle-strengthening activities guidelines: a systematic review and meta-analysis of 3.3 million participants across 31 countries. Br J Sports Med. 2022 Nov 23:bjsports-2022-106189. doi: 10.1136/bjsports-2022-106189. Epub ahead of print. PMID: 36418149.